>Où trouvez-vous votre inspiration ?
Dans la vie, en gardant les yeux et les oreilles grands ouverts, en m’enthousiasmant pour un paysage, une personne, le caractère d’un enfant, ou son visage inspirant. Dans des rencontres où l’on me raconte des anecdotes. Chez mes enfants, qui ont accumulé les bêtises, les réparties drôles, et ont défendu âprement leur liberté. Dans mon vécu, où les émotions sont nombreuses, à l’état de fœtus parfois, et méritent d’être développées dans un roman. Et où les expériences sont nombreuses, au niveau des métiers, des voyages, des rencontres, et bien sûr, de la vie familiale. © Bayard jeunesse
>Y a-t-il un livre en particulier qui vous tient à cœur/qui vous a marqué parmi ceux que vous avez écrits ? Pour quelle raison ?
Le premier que j’ai écrit et qui représente assez bien ce que je suis. Sortant des sentiers battus pour atterrir sur d’autres rives. Explorant d’autres chemins, non balisés. Rebelle au bois charmant raconte l’histoire d’une jeune fille qui ne veut pas se marier, et va tout faire pour décevoir ses prétendants, jusqu’à trouver l’homme qu’elle aime, à qui elle donnera ses conditions pour vivre une vie de couple harmonieuse. Chaque livre que j’ai écrit est une aventure que j’ai vécue, un voyage que j’ai fait, que ce soit à bord d’un bateau (Noé), dans la ville avec un jardin ouvrier (Loulette), dans les Pyrénées (La petite Caillotte), en Laponie (Nils et le terrible secret) ou bien plus simplement dans la cité (Sami, Goliath, Oscar, Ousmane et les autres…). Je mets du temps à écrire car cette aventure me questionne au fil de l’écriture, m’oblige à prendre position, me tourmente parfois, me laisse sèche d’autres fois. Je suis sur le pont, sans savoir quand et où je vais aborder le prochain rivage, et je ne sais même pas si je suis dans la bonne direction. Évidemment, la boussole est restée à quai.
>Avez-vous d’autres supports que les livres pour vous exprimer ?
Avec mon fils, Timothée Géry, nous faisons des lectures musicales à partir d’albums. Je raconte l’histoire et lui joue du piano, du tambourin, du kazoo, et il chante aussi. C’est très vivant. Il compose tous les thèmes musicaux. Dans certains passages des albums, on reprend une musique d’opéra assez connue, (Carmen, La traviata) ou un chant (La Vie En Rose), pour accentuer la complicité avec les parents, qui je l’espère, chanteront avec nous. La lecture musicale est un moment de plaisir à partager en famille.
>En tant qu’artiste, comment vivez-vous cette période de confinement ?
Quand on écrit, on est forcément confiné. Alors ça ne change pas beaucoup. Sinon pour nos livres qui hélas ne se vendent pas. Mais je suis triste surtout pour les libraires. Ce n’est pas juste, cette répartition des choses essentielles et de celles qui ne le sont pas.
>Quels sont vos projets en cours ?
Une autofiction, dont beaucoup d’anecdotes viennent de mon enfance. Je ne veux pas me limiter à une tranche d’âge. Et ce sera bien la première fois. On verra avec la maison d’édition. La narratrice est une petite fille de 9 ans, qui parle au “Je”. Il y a eu beaucoup de livres destinés aux adultes dont le narrateur était un enfant (Mon bel oranger, Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, etc).
>Pouvez-vous nous parler du salon de Gesvre dont vous êtes à l’origine ?
Il s’agit du salon d’Erdre et Gesvre, qui a lieu à Sucé-sur-Erdre. J’étais en congé sabbatique, et j’ai proposé à la bibliothécaire de mettre en place un salon. Ça faisait longtemps qu’elle désirait organiser ce genre d’évènement, mais les maires en place ne s’investissaient pas dans des projets culturels. Et puis l’adjoint au maire, en 2005, a convaincu le maire. Il a eu confiance en moi (j’avais de sérieuses cartes à mon atout) : j’étais rédactrice adjointe à Bayard, dans la presse enfantine, et donc je connaissais plein d’auteurs et d’illustrateurs, des éditeurs. Bref, pour commencer il n’y avait pas mieux. Danièle, la bibliothécaire connaissait les enseignants, et donc elle est allée leur présenter le projet. On a travaillé toute l’année avec eux. On a mis un peu plus d’un an pour organiser ce salon, trouver des sponsors, des restaurants qui accueillent les auteurs, etc, et ça a été un vrai succès dès le début. 2 500 personnes en un week-end.
>Comment sélectionnez-vous les illustrateurs avec lesquels vous travaillez ?
On ne sélectionne pas les illustrateurs avec lesquels on travaille. C’est la maison d’édition qui s’en charge, et qui a sa charte graphique. Nous, on n’a pas notre mot à dire. Sauf pour les séries, où le compagnonnage entre auteur et illustrateur dure plus longtemps, et donc il est important qu’on aime ce que fait l’illustrateur. Alors on peut choisir parmi des illustrateurs qu’on nous présente. C’est arrivé que je découvre une histoire illustrée, et que je n’aime pas du tout. C’est rare, mais ça arrive, et alors… on pleure dans son cœur. Parce qu’une histoire, c’est comme un enfant dont on accouche. On aime se l’imaginer, et tricoter pour lui, lui acheter des vêtements, bref le voir habiller dans des couleurs qu’on aime. Si ses vêtements ne correspondent pas à notre imaginaire, il se peut qu’on ne reconnaisse pas son enfant. Et alors, y a-t-il quelque chose de pire ? Parfois, les vêtements sont encore plus beaux que tout ce qu’on aurait pu imaginer, et notre enfant devient un rêve vivant, parfait, magnifique, comme la pleine lune un soir d’été.
Propos recueillis par Marcie Dupont pour artistikrezo.com